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Débat Campagne électorale et la banlieueUn enjeu périphérique

Kommentar von Renaud Epstein

La banlieue n’a pas fait partie des priorités de François Hollande. Et elle demeure périphérique dans les programmes des principaux candidats.

Les milliards d’euros investis dans la rénovation de centaines de quartiers n’ont pas améliorer leur situation économique et sociale – le quartier Grand Borne à Grigny en banlieue parisienne Foto: imago/Winfried Rothermel

C ’est ainsi depuis le début des années 1980 : il faut un fait divers spectaculaire ou une émeute pour que la question des banlieues devienne un thème du débat public en France. Cette question était absente de la campagne présidentielle et le serait probablement restée si un jeune homme noir n’avait pas été violé lors d’une interpellation policière à Aulnay-sous-Bois, en banlieue parisienne, au début du mois de février. Craignant que l’indignation suscitée par ces violences policières à caractère raciste débouche sur des révoltes collectives, à l’image de celles qui avaient embrasé la France en 2005, François Hollande et les membres de son gouvernement ont tout fait pour apaiser la colère qui s’exprimait sur les réseaux sociaux et dans les cités.

A l’inverse de Nicolas Sarkozy, qui avait nié les violences policières douze ans plus tôt, le Président s’est rendu au chevet de la victime et le ministre de l’Intérieur a fermement condamné les agents mis en cause. Ces actes symboliques, combinés au déploiement massif des forces de l’ordre dans les quartiers les plus sensibles de la région parisienne, ont permis d’éviter l’explosion, mais ils ne peuvent masquer le sombre bilan du quinquennat s’agissant des cités de banlieue.

Dans ces quartiers populaires concentrant les minorités, le vote Hollande avait été largement majoritaire en 2012, par rejet de Sarkozy tout autant que par adhésion au programme du candidat socialiste dans lequel figuraient deux mesures réclamées de longue date : le droit de vote aux élections locales des immigrés résidant depuis plus de dix ans en France, et l’instauration d’un récépissés lors des contrôles d’identité, afin de lutter contre les discriminations policières.

Ces deux promesses électorales n’ont pas été tenues et les milliards d’euros investis dans la rénovation de centaines de quartiers n’ont pas permis d’améliorer leur situation économique et sociale : 1 actif sur 4 y est au chômage contre 1 sur 10 en moyenne nationale; sur les 4.8 millions d’habitants de ces quartiers, 42% vivent sous le seuil de pauvreté, soit 3 fois plus que dans le reste de la France. Pire encore, le virage sécuritaire et la crispation islamophobe qui ont suivi les attentats de Charlie et du Bataclan ont contribué à renforcer les discriminations dont souffrent les habitants de ces quartiers stigmatisés.

« le mépris des candidats »

Que proposent les candidats pour ces territoires qui concentrent toutes les difficultés et symbolisent toutes les fractures de la société française ? Rien ou presque s’agissant des candidats longtemps favoris des sondages (Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen), ce qui a conduit l’association des maires de banlieue à dénoncer, le 30 mars dernier, « le mépris des candidats » après le « rendez-vous manqué entre François Hollande et les banlieues ».

Interrogé sur son projet en la matière, Emmanuel Macron a expliqué « ne pas vouloir faire de promesses pour les quartiers. On leur a trop promis, pour ne rien faire ensuite ». De fait, son programme pour les banlieues se limite à une mesure d’exonération de charges sociales pour les entreprises qui embaucheraient des habitants de ces quartiers (mesure qui avait déjà été expérimentée, sans succès, en 2013). S’agissant de François Fillon, ses propositions consistent en la reconduction de la politique qui avait été menée lorsqu’il était premier ministre, organisée autour d’un programme de rénovation urbaine et de zones franches pour attirer des entreprises dans les quartiers. Sans surprise, le programme de Marine Le Pen est celui qui est le moins favorable aux cités de banlieue.

Bild: privé
Renaud Epstein

est docteur en sociologie et maître de conférences en science politique à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Ses travaux portent sur les politiques de développement social dirigées vers les grands ensembles. Il a notamment publié « La rénovation urbaine. Démolition-reconstruction de l'Etat » en 2013.

La candidate d’extrême droite promet en effet de mettre fin à toutes les politiques dirigées vers ces quartiers cosmopolites. Dans son programme, le démantèlement des politiques sociales et urbaines les visant s’accompagne d’un durcissement des politiques sécuritaires pour contrôler des quartiers qu’elle présente régulièrement comme des zones de non-droit passés sous la coupe des dealers et des groupes islamistes radicaux.

les enjeux de reconnaissance

Il en va autrement des deux principaux candidats de gauche, Jean-Luc Melenchon et Benoit Hamon, qui proposent de nombreuses mesures dirigées directement ou indirectement vers les banlieues. S’ils affichent tous les deux un même volontarisme en matière de lutte contre la ségrégation et les inégalités socio-spatiales, leurs programmes ne se recoupent que partiellement. Quel que soit dans le domaine considéré (école, emploi, santé, logement, transports, culture…), Jean-Luc Mélenchon promet de fortement renforcer les moyens des services publics intervenant dans les quartiers défavorisés. Il apparaît sur ce plan moins réaliste et novateur que celui de Benoit Hamon. En insistant sur les enjeux de reconnaissance et de lutte contre les discriminations plutôt qu’en promettant des moyens supplémentaires, celui-ci semblait ouvrir des perspectives nouvelles pour des quartiers dont la situation s’est dégradée sans discontinuer au cours des dernières décennies.

Nombre de français résidant dans ces quartiers ne sont pas inscrits sur les listes électorales et parmi ceux qui sont inscrits, l’abstention est forte

Même si les derniers sondages indiquent une forte hausse des intentions de vote en faveur Jean-Luc Melenchon, au détriment de Benoit Hamon, on peut douter que les ambitions affichées par les candidats de gauche soit payantes dans les urnes. D’abord parce que les banlieues concentrent les étrangers qui n’ont pas le droit de vote, ainsi que des populations précaires qui utilisent bien moins que les autres ce droit : nombre de français résidant dans ces quartiers ne sont pas inscrits sur les listes électorales et parmi ceux qui sont inscrits, l’abstention est forte. Ensuite parce que les candidats de gauche ne sont plus audibles dans ces quartiers qui gardent la mémoire des promesses de François Mitterrand et de François Hollande, que ni l’un ni l’autre n’ont tenues. La défiance à l’égard des responsables politiques y est généralisée, ce en quoi les banlieues ne se distinguent que faiblement du reste de la France. Sur ce plan comme sur d’autres, la crise des banlieues n’est que la manifestation exacerbée d’une crise qui touche la France entière.

Veuillez lire aussi l'interview de Renaud Epstein sur son projet « Un jour, une ZUP, une carte postale ».

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